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Jérôme Bastianelli, directeur général délégué du Musée du quai Branly et président de la société des Amis de Marcel Proust (SAMP), viendra à l’Hôtel Littéraire Le Swann le jeudi 24 janvier présenter son nouveau livre, La Vraie Vie de Vinteuil, aux éditions Grasset qui sortira la veille dans les librairies françaises.

C’est “un genre de prouesse littéraire” pour Jean-Claude Perrier dans Livres Hebdo, qui souligne la double compétence de l’auteur, “proustologue et musicologue éminent” capable de raconter une biographie imaginaire du personnage de la Recherche de façon plausible et drôle, tout en nous livrant de précieuses informations sur les compositeurs de l’époque, ce qui apporte un éclairage inédit à cet aspect de l’œuvre de Proust.

“Un roman en costumes, un pastiche de biographie érudite, un « préquel » de la Recherche du temps perdu, un concert-promenade au XIXe siècle, un livre sur Proust et un fascinant puzzle borgésien…” selon Thierry Laget, écrivain et président de l’Association des amis de Jacques Rivière.

 

En attendant sa passionnante présentation au Swann, Jérôme Bastianelli a gentiment accepté de répondre à quelques unes de nos questions et de signer en exclusivité pour notre blog son premier questionnaire (intégral) de Proust !

 

Société des Hôtels Littéraires. Entre vous et Marcel Proust, tout a commencé au Lycée Condorcet qu’il avait lui-même fréquenté entre 1882 et 1889, soit un siècle avant vous ?

Jérôme Bastianelli  “J’ai effectivement été élève au Lycée Condorcet, un siècle après Proust (c’est-à-dire entre 1987 et 1990), durant mes études en classes préparatoires scientifiques. Ma passion proustienne était cependant née un peu avant, à l’occasion du baccalauréat de français, en 1986 (j’étais alors élève au Lycée Hélène Boucher, dans le XXe arrondissement de Paris). Il fallait commenter un superbe extrait d’Albertine disparue (celui qui commence par “Que le jour est lent à mourir par ces soirs démesurés de l’été !”), sa beauté et sa force m’avaient tout de suite attiré, alors que je n’avais jamais rien lu de Proust auparavant. J’ai eu une mauvaise note (7 sur 20), mais la graine était plantée. Je suis allé me consoler en déposant une rose sur la tombe de Proust, au Père Lachaise, non loin de chez moi !

 

La sortie du Lycée Condorcet, Jean Béraud – 1903

© Musée Carnavalet, Paris

 

SHL. Rappelons que vous êtes, entre mille autres choses, le directeur général délégué du Musée du quai Branly. J’ai eu la chance d’entendre, dans la chambre de Marcel Proust du Grand Hôtel de Cabourg, une de vos conférences sur Proust, Turner et Ruskin. Votre Dictionnaire Proust-Ruskin (Classiques Garnier, 2017), était-ce l’occasion rêvée de parler d’une autre de vos passions, l’art, et plus spécialement la peinture ?

JR. “Difficile de parler de Proust et de Ruskin sans parler de peinture, en effet, et ce n’est pas la moindre motivation quand on s’intéresse aux relations entre les deux écrivains. Quant à l’Art, qu’il s’agisse de musique, de peinture ou de littérature, que puis-je dire qui ne soit pas banal pour définir la place qu’il occupe dans ma vie ?”

 

 

SHL. Vous êtes le président des Amis de Marcel Proust (SAMP) depuis 2018, cela vous donne l’occasion de réaliser de beaux projets pour cette association. Qu’avez-vous déjà pu entreprendre et quelles sont vos idées pour 2019 ?

JB. “L’année 2018 a été assez riche, avec notamment l’acquisition, chez Sotheby’s, d’un « placard » inédit de A l’ombre des jeunes filles en fleurs, corrigé de la main de Proust. Nous avons également mis en ligne un nouveau site Internet (www.amisdeproust.fr) et développé notre communication sur les réseaux sociaux. Des partenariats ont été noués avec plusieurs grands musées pour des projets d’exposition. A l’occasion du centenaire de la publication de Pastiches et Mélanges, un grand concours de pastiches proustiens a été organisé (les textes doivent être remis avant le 31 mars, tout le monde peut participer, n’hésitez pas !). L’année 2019 s’annonce prometteuse, avec notamment les manifestations prévues pour fêter le centenaire du Prix Goncourt. Il y a beaucoup à faire et j’invite chaleureusement tous ceux qui s’intéressent à Proust à nous rejoindre : l’association a besoin des cotisations de ses membres pour ouvrir au public le Musée Marcel Proust (situé à Illiers-Combray) et pour organiser des événements proustiens aussi souvent que possible.”

 

Placard inédit de A l’ombre des Jeunes filles en fleurs, corrigé de la main de Proust, acquis par la SAMP.

Il sera exposé au printemps 2019 à Illiers-Combray, à la Maison de Tante Léonie – Musée Marcel Proust  à l’occasion du centenaire du prix Goncourt.

 

SHL. Votre nouveau roman sur Vinteuil, le compositeur de la Recherche, est une façon de parler encore de la musique après vos quatre biographies consacrées à Federico Mompou, Felix Mendelssohn, Piotr Tchaïkovski et Georges Bizet. Comment avez-vous cherché à concilier les exigences romanesques pour mettre en scène ce personnage proustien peu connu avec les informations encyclopédiques sur la musique de cette époque que vous souhaitez transmettre ?

JB. J’ai essayé de m’en tenir à un principe simple : quand intervient un personnage réel, ce qui est dit de lui est exact. Ainsi, par exemple, le compositeur César Franck s’est effectivement marié le premier jour de la révolution de février 1848. Et j’ai également voulu profiter de ce roman pour faire apparaitre des musiciens qui sont un peu tombés dans l’oubli, tel cet Alexis de Castillon, mort trop jeune, auteur d’un très mélodieux concerto pour piano. Mais je n’ai pas cherché pour autant à faire une encyclopédie de la musique du XIXe siècle : mes choix sont subjectifs, dictés par la nécessité de décrire le parcours d’un artiste original mais incompris – Vinteuil. Et j’ai voulu également ne pas noyer le lecteur dans trop d’informations inutiles.

 

SHL. Accepteriez-vous de vous livrer à l’exercice incontournable du questionnaire de Marcel Proust ? Nous avons choisi la version dite du « troisième questionnaire » découvert cette année par le libraire Laurent Coulet, en réalité le premier dans l’ordre chronologique, daté de juin 1887.

Il a été présenté et exposé à l’Hôtel Littéraire Le Swann pour la première fois à l’occasion de la quatrième édition du prix Céleste Abaret qui a récompensé la remarquable étude d’Evelyne Bloch-Dano, Une jeunesse de Marcel Proust, Enquête sur le questionnaire. (Stock, 2017).

 

1 : Quelle est la couleur que vous préférez ? La couleur orange.

2 : Quelle est votre odeur favorite ? Celle de l’herbe fraichement coupée. Ou celle du maquis.

3 : Quelle fleur trouvez-vous la plus belle ? Je suis très peu calé en botanique et ne sais pas nommer les fleurs que j’aime.

4 : Quel animal vous est le plus sympathique ? Le chat.

5 : Quelle couleur d’yeux et de cheveux préférez-vous ? Celles des gens que j’aime.

6 : Quelle est, selon vous, la plus estimable vertu ? L’enthousiasme.

7 : Quel vice détestez-vous le plus ? L’agressivité.

8 : Quelle est votre occupation préférée ? Aller au concert. M’instruire. Lire.

9 : Quel délassement vous est le plus agréable ? Flâner sur Twitter en écoutant de la musique, tout en attendant le coucher du soleil.

10 : Quel est, selon vous, l’idéal du bonheur terrestre ? Définir un idéal serait le rendre moins idéal.

11 : Quel sort vous paraît le plus à plaindre ? Impossible de répondre, il n’y a pas de hiérarchie dans la misère.

12 : Peut-on vous demander l’âge que vous avez ? J’ai aujourd’hui trois fois l’âge que j’avais quand j’ai découvert Proust – cf. la première réponse à l’interview précédente.

13 : Quel prénom auriez-vous pris, si vous l’aviez choisi ? Gabriel.

14 : Quel a été le plus beau moment de votre vie ? C’est un secret.

15 : Quel en a été le plus pénible ? C’en est un autre.

16 : Quelle est votre principale espérance ? Pouvoir voyager jusqu’à un âge avancé.

17 : Croyez-vous à l’amitié ? Oui, je l’ai rencontrée.

18 : Quel est, pour vous, le plus agréable moment de la journée ? Cela dépend des jours ! En général, c’est le soir après le repas, quand la journée commence enfin.

19 : Quel personnage historique vous est le plus sympathique ? Louis II de Bavière

20 : Quel personnage de roman ou de théâtre ? Hercule Poirot

21 : Quel pays habiteriez-vous de préférence ? J’espère ne pas avoir un jour à répondre autre chose que « la France ».

22 : Quel écrivain préférez-vous ? D’après vous ?

23 : Quel peintre ? Caspar David Friedrich. Et Carlo Crivelli.

24 : Quel musicien ? S’il ne devait y en avoir qu’un seul, ce serait Tchaïkovski.

25 : Quelle devise prendriez-vous si vous deviez en avoir une ? Aucune idée, j’ai toujours trouvé les devises un peu trop restrictives.

26 : Quel est, selon vous, le chef-d’œuvre de la nature ? Le golfe de Porto, en Corse.

27 : De quel site avez-vous gardé le plus agréable souvenir ? L’île de Sein, et la plage de l’Ostriconi. Mais on sait que la mémoire volontaire n’est pas la plus fidèle…

28 : Quel est votre mets de prédilection ? Des huitres, un peu de fromage, un verre de vin blanc.

29 : Préférez-vous un coucher dur ou tendre ? Dur.

30 : Quel peuple étranger vous est le plus sympathique ? Je ne suis pas sûr qu’un « peuple » puisse être sympathique ou non. J’ai connu des gens sympathiques, et d’autres moins, dans tous les pays que j’ai visités.

Écrivez une de vos pensées ou une citation dont vous approuvez le sens. 

« Puisque notre vie ne doit être qu’une vapeur qui apparaît un temps puis s’évanouit, laissons-la du moins apparaître comme un nuage dans la hauteur du ciel et non comme l’épaisse obscurité qui s’amasse autour du souffle de la fournaise ». John Ruskin

 

Jérôme Bastianelli. © Thibaut Chapotot