Nous vous proposons de (re)lire cet entretien avec Stéphane Heuet, paru au moment du premier Festival Proust en 2020, reporté pour cause de Covid.

Cette exposition est visible à l’Hôtel Littéraire Le Swann du 9 mars au 11 avril 2022.

 

 

Dans le cadre du Festival “Le Paris retrouvé de Marcel Proust”, l’Hôtel Littéraire Le Swann expose les planches originales de l’adaptation en bande dessinée de la Recherche par Stéphane Heuet, aux éditions Delcourt.

Nous sommes allés à sa rencontre pour en savoir plus sur cette entreprise commencée en 1998 et qui s’est achevée avec un huitième tome, Autour de Mme Swann tome II, le dernier consacré aux Jeunes filles en fleurs.

 

Dans son atelier, le mur de travail de Stéphane Heuet, où il accroche ses planches au fur et à mesure de la progression de l’album en cours.
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 Le salon d‘Odette et Charles Swann.
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HL. Stéphane Heuet, quel a été votre parcours professionnel et comment êtes-vous arrivé au dessin et à la bande dessinée en particulier ?

SH. J’ai toujours dessiné, et très tôt dessiné pour les autres. Dès l’âge de neuf ans, au collège militaire de Saint-Cyr, mes caricatures plaisaient à mes camarades de classe, mais également aux professeurs ; ces dessins ne devaient sans doute pas être bien méchants. Plus tard, lors de mon parcours dans la Marine Nationale où j’ai passé sept ans, dans l’Océan Indien, j’ai continué, dessiné les paysages que je découvrais et étais même souvent dispensé de corvée parce que le Commandant me demandait d’illustrer l’album de campagne. Le dessin m’a toujours accompagné. Puis je suis rentré en France, suis devenu directeur artistique, et c’est à ce moment-là que je suis tombé pour la deuxième fois sur la Recherche.

HL. Pourriez-vous nous parler de votre rencontre avec Proust ?

SH. Après un accident de parachute à Djibouti, j’avais commencé à lire Proust. J’avais vingt ans et une jambe dans le plâtre. Mais j’ai trouvé ça ennuyeux comme la pluie et ai très vite renoncé à cette lecture. Mais quinze ans plus tard plus tard, j’ai eu avec ma femme une discussion animée à propos de La Recherche, une scène de ménage littéraire en quelque sorte. Je débitais tous les poncifs habituels sur Proust, les longues phrases, le snobisme, le côté démodé, poussiéreux, toutes choses qu’elle contestait. J’ai donc pris une édition de la Pléiade ; je n’ai pas recommencé Proust par plaisir mais juste pour montrer à quel point c’était casse-pieds. J’avais alors 35 ans et aimé, souffert, perdu des êtres chers, ce qui m’avait d’ailleurs valu d’hériter une importante bibliothèque dont de nombreux livres d’art. Et au fur et à mesure que je lisais, je me suis vu saisir et consulter des monographies sur l’art sacré, Vermeer, les peintres du Quattrocento etc. qui me permettaient de visualiser les nombreuses œuvres d’art dont parlait Proust pour se faire comprendre. Car pour lire Proust avec soin, il faut disposer d’une sacrée documentation ( ou une culture encyclopédique ! )

HL. D’où vient ensuite votre décision de transposer la Recherche en bande dessinée ?

SH. Je suis allé voir mon libraire pour lui dire à quel point j’appréciais la drôlerie de cette lecture. Tout de suite, j’avais vu Séraphin Lampion dans le docteur Cottard, le capitaine Haddock dans l’oncle Adolphe, les Dupont et Dupond dans les Tantes Flora et Céline, le colonel Sponsz dans le général de Froberville etc. et des Nestor, et des Irma… En revanche, contrairement à ce que beaucoup pensent, Françoise n’est pas du tout Bécassine. Elle ressemble plutôt à Madeleine la gouvernante du manoir de Bléville que j’avais fréquenté dans ma jeunesse. Elle était habillée de la même façon, avec une charlotte, et nous faisait des goûters incroyables. Mais un jour, je l’ai vue jeter un seau d’eau glacée pour séparer deux chiens. Et j’ai ressenti la même horreur que le narrateur devant Françoise égorgeant le poulet : ne pouvant comprendre comment la même personne pouvait faire à la fois d’aussi bons goûters et commettre un acte si cruel. Et puis, tel le narrateur, je retournais déguster les merveilleuses brioches de Madeleine.

Je me suis beaucoup retrouvé dans ce Combray-là.

J’ai donc voulu commander la BD de A la recherche du temps perdu et mon libraire a constaté qu’elle n’existait pas. J’ai alors commencé à remplir mes petits cahiers…

 

Les petits cahiers…
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HL. Comment vous être vous lancé dans la bande dessinée de façon professionnelle et avec quelle méthode de travail ?

SH. Je travaillais alors dans la publicité, ce qui me conduisait à travailler beaucoup sur les textes et j’avais à ma disposition un équipement technique assez sophistiqué pour l’époque ( c’était il y a plus de 25 ans ). J’ai choisi la police qui ressemblait le plus à celle utilisée dans Tintin, des caractères capitales et minuscules (« caps’ et bas de casse » ), plus signifiants pour un texte aussi fourni que le lettrage en « tout caps’ », et me permettait, lors de l’usage de mots en capitales (en script) de me donner un degré d’expression supplémentaire.

Je m’intéresse beaucoup à l’art de la typographie, qui est merveilleuse en ce qu’il n’existe que pour améliorer la lisibilité. Et c’est assurément mon premier objectif. C’est pour cela que je commence toujours mon travail par le texte. Mais je suis parfois obligé de sacrifier des phrases magnifiques au profit de phrases outils indispensables à la fluidité du scénario. C’est pour cela que j’incite toujours les lecteurs qui aiment mes albums à revenir au texte initial de Proust. Je travaille avec une agrégée de grammaire férue de Proust qui m’aide à faire ces coupures au mieux, notamment la ponctuation, tout en conservant dans ce travail de « Jivaro » la meilleure fidélité au texte et un parfait respect de la grammaire.

 Tout en capitales

 

HL. Vous êtes désormais traduit dans plus d’une vingtaine de pays et le succès de vos albums sont visibles par les chiffres des ventes, comment êtes-vous accueilli dans le milieu de la bande dessinée ?

Je me rappelle du traducteur coréen qui m’avait appelé un jour pour me demander : “J’ai un problème, qu’est-ce qu’un hôtel particulier ?” Mon éditeur au Brésil, très renommé, est spécialisé dans les sciences humaines, et mes bandes dessinées sont les seules qu’il a éditées. Mais je ne suis pas vraiment apprécié dans le milieu de la BD. Autant ceux qui aiment la lecture et Proust en particulier aiment mes bandes dessinées, autant dans le monde de la bande dessinée, on considère mon dessin comme démodé et le texte trop important. C’est pourtant un choix délibéré. La ligne claire (N.D.L.R c’est le style BD Belge d’Hergé, Jacques Martin ou Edgar P. Jacobs) nécessite beaucoup de travail et de précision. Il faut tout dessiner, tous les contours, c’est en quelque sorte du cloisonné. En noir et blanc, mes dessins sont presque illisibles tellement ils sont chargés de traits.

Une des grandes questions a été : est-ce que je montre tout à travers les yeux de narrateur ? J’ai finalement choisi de le dessiner aussi, à cause d’Un amour de Swann où Proust n’utilise plus le “je” mais “il” et puis parce que l’auto-dérision du narrateur est très présente : il est souvent le dindon de la farce et il fallait que je puisse le montrer.

 

De nombreux personnages…
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Un autre dilemme consistait à marier les personnages de Proust avec la précision des décors : mes personnages sont dessinés le plus simplement possible pour que leurs expressions soient très claires. Deux films m’ont aidé à faire cela : Mary Poppins avec la scène du manège où les personnages réels se fondent dans un décor de dessin animé. A l’inverse, le film Qui veut la peau de Roger Rabbit  met en scène des personnages réels, sauf Roger Rabbit qui est un personnage de dessin animé. Ce mélange de styles m’a fait voir que c’était possible. Dans Tintin, les décors sont, comme les personnages, d’une grande simplicité. J’ai  plutôt choisi de peindre des personnages « à la Tintin » et des décors « à la Blake et Mortimer ».

 

 

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HL. Vous vous documentez beaucoup pour vos dessins, pour garder une grande fidélité aux décors d’époque mais aussi aux personnages dont nous avons souvent des portraits ?

SH. Je m’inspire beaucoup des portraits photographiques de Nadar qui a photographié tous les grands contemporains de Proust, princesses, comtesses, marquis, artistes, militaires, prélats etc. Nadar a également photographié les parents de Proust que je n’ai fait somme toute que caricaturer, comme le père, Adrien Proust, avec sa barbe, ses bésicles et sa légion d’honneur.

Outre la photographie, le cinéma me sert beaucoup. Mais je trouve les adaptations cinématographiques de Proust peu réussies dans l’ensemble. Enfin, disons que ce sont de bons films mais des adaptations imparfaites. Une adaptation plus proustienne serait Le Messager, de Joseph Losey. L’histoire se déroule dans l’Angleterre de la fin du 19e siècle. Un petit garçon est invité pour les vacances par un camarade de collège qui appartient à la haute société. Il entre dans un univers à la Downton Abbey et le narrateur (qui deviendra écrivain, on le découvre à la fin ), est émerveillé par ce monde et un peu amoureux de la grande sœur, (la sublime Julie Christie ). L’univers de Luchino Visconti est également pour moi très inspirant et proustien, notamment Mort à Venise et Le Guépard.

J’utilise d’innombrables livres (dont le remarquable Paris d’Auguste Vitu, ou le livre de Michel Cabaud, Paris et les parisiens sous le Second Empire ) pour reconstituer le Paris de l’époque. Quand Proust nous apprend que Swann habite quai d’Orléans et Odette rue Lapérouse, que dois-je dessiner sur le chemin du retour de Swann ? Que voit-il ? En bas des Champs-Elysées il n’y avait ni Grand Palais ni Petit Palais ni pont Alexandre III mais seulement le Palais de l’Industrie ( dont il reste quelques vestiges dans le Parc de Saint-Cloud ) ; on pouvait aussi contempler les ruines des Tuileries incendiées qui n’avaient pas encore été démolies, et l’Hôtel-Dieu de l’autre côté du parvis de Notre-Dame.

 

HL. Vous vous inspirez également des références artistiques données par Proust lui-même et de tableaux d’époque ?

SH. Je passe beaucoup de temps à trouver les œuvres d’art dont il parle, c’est un vrai travail de Sherlock Holmes ; parfois elles n’existent pas et parfois Proust se trompe aussi. Je n’en ai que plus d’admiration et d’estime pour cet homme qui n’avait que sa culture, sa mémoire, et ni Google ni Wikipedia !..

Les recherches documentaires sont parfois longues mais toujours passionnantes. Je devais dessiner un détachement de militaires à cheval passant, à Combray, derrière la maison de Tante Léonie devant les yeux de Françoise à Illiers, le bourg qui a servi de modèle à Combray. Pour dessiner l’uniforme de ces militaires, je me suis adressé au Service historique des Armées. Ils ont trouvé que c’était la 7eme brigade légère de la 1ère division de cavalerie,  basée à Châteaudun ! Je suis allé voir sur place à quoi correspondait leur uniforme sur des planches et ai réalisé en dix jours un grand dessin… que j’ai dû finalement sacrifier, en raison d’un nombre de pages excessif, et qui n’apparaît donc pas dans la version finale !

Pour une scène à l’Opéra avec la visite du roi Théodose, je me suis inspiré d’un tableau d’Edouard Detaille, L’inauguration du nouvel Opéra : arrivée du cortège du lord-maire (Château de Versailles).

 

 

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Il y a aussi ce peintre américain, Julius Leblanc Stewart, surnommé “le parisien de Philadelphie” qui a peint toute la société du Paris huppé de la Belle Epoque. Pour le salon d’Odette, je m’inspire de l’un de ses tableaux, Five o’clock tea :

 

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HL. Quel a été la réaction du public ?

SH. J’ai été frappé de découvrir que mes bandes dessinées ne sont que très peu disponibles sur le marché de l’occasion. Les gens les conservent comme des classiques dans leur bibliothèque. Je reçois beaucoup de lettres, toutes sympathiques, de gens qui s’habituent au style de Proust au point qu’ils ont l’impression que je conserve de moins en moins de texte, alors que c’est en réalité tout le contraire.

Les seules remarques un peu critiques venaient de cavaliers ou meneurs d’attelages assez pointilleux sur les positions de mains sur les rênes ou les allures des chevaux. J’ai vite acquis la documentation nécessaire et toute cette population équestre trotte maintenant comme il faut..

Mes bandes dessinées permettent de donner accès à Proust à des gens qui ne l’avaient jamais lu et en étaient restés à son image de snob au style ennuyeux.

Aujourd’hui je dessine de plus en en plus vite, d’autant que beaucoup de recherches de documentation sont déjà faites. Et je prends un plaisir sans cesse renouvelé à réaliser ces bandes dessinées et à lire et relire Proust.

HL. Comment avez-vous été accueilli par la presse et les spécialistes de Marcel Proust ?

SH. Le premier article paru dans le Figaro était terrible. Son auteur considérait que mon travail était fait pour les caniches paresseux qui avaient la flemme de lire Proust. Pourquoi pas, mais lui-même avait été trop paresseux pour aller vérifier dans le texte de Proust ce qu’il devait critiquer de mon travail. Il pensait, comme beaucoup de gens malheureusement, que le texte des phylactères (les bulles) étaient de moi et non de Proust. Il a notamment écrit : « … et que dire de cette notation insignifiante :  ” C’est cela, ce n’est que cela, Mme de Guermantes !” » mais c’est Proust qui l’avait écrite, cette notation insignifiante. Son article a alors provoqué la curiosité d’un journaliste de Libération qui a écrit un article favorable. Les Japonais se sont alors intéressés à cette bataille d’Hernani autour d’une BD et la presse américaine s’en est mêlée à son tour : c’est ainsi que j’ai eu la une du New York Times, des articles dans le Herald Tribune, le Times, etc.

Je craignais tout spécialement les proustiens. Mais les spécialistes de Proust ont tous été très bienveillants, spécialement la Société des Amis de Proust, qui m’a beaucoup aidé.

 

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Grâce aux Gobelins, j’ai également pu faire un dessin inédit de la tapisserie d’Esther. À l’époque, elle avait été tissée et éditée à sept exemplaires pour être offerte aux souverains d’Europe ; seule la large bande de l’entourage différait. Au moment de la guerre 1914-1918, pour les protéger, ces tapisseries ont été mises dans des rouleaux plombés qui les ont au contraire abîmées. Il n’en reste qu’un daguerréotype qui m’a permis de réaliser ce dessin dont on n’a pas trace par ailleurs. C’est un travail d’enquêteur très intéressant et, pour un dessin qui me demande une journée de travail, il me faut parfois huit jours de recherches.

Mais j’ai tout de même commis deux crimes : ce travail de jivaro réduit évidemment le texte de Proust, et mes personnages supplantent ceux qui naissent dans l’imaginaire de chacun lors de sa lecture. Car la lecture est une création. Mais je me dis que j’ai emmené beaucoup de lecteurs vers Proust… et certains vers la bande dessinée car certains n’en avaient jamais lues auparavant.

Par ailleurs, j’explique toutes les références artistiques et points complexes de La Recherche dans un glossaire ; par exemple quand Odette parle “d’une espèce de Vaulabelle”, elle fait référence non à un écrivain, comme on pourrait le supposer, mais au  ministre de l’instruction publique de l’époque. J’y explique également les locutions qui enchantent Cottard : “la beauté du diable”, “sang bleu”, “une vie de bâton de chaise”, “le quart-d’heure de Rabelais”, “être réduit à quia”, etc.

 

HL. Quelle est la signification de ces sortes d’ombres chinoises qui ponctuent régulièrement vos pages ?

SH. Je suis assez heureux de cette trouvaille dont j’ai eu l’idée dès le début dans Combray. Ces ombres chinoises dans les cases “coquille d’œuf” me servent d’imparfait itératif, l’imparfait d’habitude. C’est une sorte de point d’orgue, un moment où la musique semble traîner sur une note : ce peut-être le collier de perle de Mme Verdurin évoqué quelques cases plus tôt, ou la fille de cuisine tourmentée par Françoise. Il s’agit en quelque sorte d’un hiéroglyphe, ni un texte, ni vraiment un dessin. C’est le caractère « fille de cuisine ». Mais je ne l’utilise pas excessivement, il ne faut pas que ça devienne un procédé.

Les deux vieux du Muppet-show ne sont pas loin…
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HL. Notre prochain Hôtel Littéraire sera consacré à Jules Verne dans la ville de Biarritz, je crois que vous aimez particulièrement cet écrivain ?

SH. J’ai fait de très nombreux dessins pour illustrer un livre de Gonzague Saint Bris : Sur les pas de Jules Verne aux éditions Presses de la Renaissance (2005). Pour évoquer chacun des livres de Jules Verne, je me suis évidemment beaucoup documenté, ai dessiné tous ses bateaux car c’était un très bon marin, et suis allé à Nantes, au Musée Jules Verne puis à Amiens et au Crotoy pour dessiner ses maisons. Tous ses romans m’ont passionné, ainsi que ses pièces de théâtre. J’ai par ailleurs brossé toute une série de personnages comme Michel Strogoff Mathias Sandorf ou le capitaine Nemo pour le Figaro Hors Série, comme je l’ai fait ensuite pour le numéro consacré à Proust.

Jules Verne, comme Proust, fait partie de ces auteurs lus et célèbres et devenus immortels sans être jamais entrés à l’Académie française. Proust serait probablement devenu académicien s’il avait vécu plus longtemps, mais Jules Verne avait une écriture probablement trop populaire pour l’Académie de l’époque. Ce serait différent de nos jours où l’Académie française est attentive à la diffusion de la culture française dans le Monde. Jules Verne est lu dans le monde entier et a inspiré beaucoup d’autres écrivains. J’ai été passionné par mon travail sur cet auteur que j’ai appris à connaître. Il n’a rien d’un romancier pour enfants, c’est le premier véritable auteur de science-fiction. Et puis il y a le charme de ses livres, le suspense, l’aventure, l’émotion ; rappelez-vous de ces extraordinaires titres des chapitres qui rendent la suite encore plus palpitante.

 

 Couverture du Figaro Hors-Série sur Jules Verne
 Couverture de Sur les pas de Jules Verne, aux Presses de la Renaissance.

 

 

 

 

 

Propos recueillis par Hélène Montjean