Faut-il vraiment lire le livre que la princesse Bibesco consacre à Laure de Chevigné ?
Et pourtant l’exemplaire de l’édition originale que les collections de l’Hôtel Littéraire Le Swann viennent d’acquérir porte un très bel envoi à Charles Briand, grand proustien aujourd’hui un peu oublié.

Passons sur « Swan » écrit avec un seul n, sur la localisation du château de Serrant en Touraine, et sur l’attribution de la voix rauque de Laure de Chevigné à l’habitude du commandement davantage qu’à une consommation effrayante de cigarettes.

C’est plutôt quand elle en fait l’unique source de la duchesse de Guermantes et qu’elle néglige la délicieuse comtesse Greffulhe, l’intelligence de madame Straus, la beauté de la comtesse de Castellane voire la comtesse Potocka que se situe la limite d’un livre trop mondain et trop vite écrit.

Fallait-il en plus que Laure de Chevigné détruise l’essentiel des lettres de Proust (qu’elle appelait les dindonnades de ce raseur de Marcel )et que son exemplaire du Côté de Guermantes n’ait pas été lu et juste commencé d’être coupé ? Proust avait-il vraiment tort quand il disait à son ami Guiche « qu’elle ressemblait un peu à la poule coriace que je pris jadis pour un oiseau de paradis » ? Laissons le dernier mot à Jean Cocteau qui, interrogé par Roger Stéphane, disait ” c’est comme si monsieur Fabre demandait aux insectes de s’intéresser à ce qu’il a écrit sur eux “…

Jacques Letertre