Le grand amour de George Sand – par Jacques Letertre
Portrait de George Sand, vers 1860. Lithographie.
En préparation de l’ouverture de son nouvel Hôtel Littéraire à Bordeaux consacré à George Sand, la Société des Hôtels Littéraires a acquis cette très belle épreuve du portrait lithographié de George Sand d’après un dessin de Thomas Couture dont l’œuvre originale, exécutée au fusain et à la craie sur papier, est conservée au Musée de la vie romantique.
L’intérêt de cette épreuve, par ailleurs d’une grande rareté, tient à deux éléments :
- Le premier est l’envoi autographe signé à la mine de plomb par George Sand elle-même, sous son portrait, et à la personnalité des destinataires :
« À ma chère Christine et à ma belle Marie Buloz George Sand 1862 ».
Christine et Marie Buloz étaient respectivement l’épouse et la fille de François Buloz, le directeur de la Revue des deux Mondes, partenaire de longue date de la Société des Hôtels Littéraires.
Au moment de cet envoi, George Sand avait passé une partie de l’été dans la propriété savoyarde des Buloz, ce qui devait lui inspirer son roman « Mademoiselle La Quintinie ».
- Le second tient à la personnalité du graveur qui inscrivit, lui aussi, un envoi :
« À madame Buloz, son serviteur Alexandre Manceau ».
Alexandre Manceau fut le dernier amour de George et beaucoup considèrent aussi qu’il est le plus authentique.
La première grande histoire d’amour de George Sand, Aurélien de Seze, nous a amenés à entreprendre l’ouverture d’un Hôtel Littéraire consacré à George Sand à Bordeaux, lieu de cette dévorante passion de jeunesse. Mais si l’on devait au delà des relations tumultueuses avec Sandeau, Pagello, Musset ou Chopin, retenir un amour total, accompli et partagé, c’est sans conteste à sa relation avec Alexandre Manceau qu’il faudrait penser, comme nous y invite Evelyne Bloch-Dano dans son très beau livre « Le dernier amour de George Sand ».
C’est en décembre 1849, au terme d’une année de deuils, de ruptures et de désillusions politiques que son fils Maurice lui présenta un ami graveur et auteur dramatique de treize ans son cadet, Alexandre Manceau.
Très vite intégré à la vie de Nohant, il devient son amant comme elle l’avoue à son éditeur Hetzel :
« Quand je suis malade, je suis guérie rien que de le voir me préparer mon oreiller… Enfin, je l’aime, je l’aime de toute mon âme, avec ses défauts, avec les ridicules que les autres lui trouvent, avec les torts qu’il a eus et les bêtises qu’il a faites… Car il aime, il aime, voyez vous, comme je n’ai vu aimer personne… ».
Pendant quinze ans, il restera son ombre, son secrétaire et son amant. C’est lui qui rédigera le précieux journal dit « Agendas » à partir de 1852. C’est avec lui qu’ils achèteront la chaumière de Gargilesse. C’est pour lui qu’elle quittera Nohant pour Palaiseau en 1864, soit deux ans après l’envoi à madame Buloz. Atteint de tuberculose, Alexandre Manceau mourra en août 1865, laissant George Sand inconsolée. Elle-même ne mourra que onze ans plus tard.
Le village de Gargilesse, dans l’Indre
Jacques Letertre