Du 25 novembre 2021 au 25 janvier 2022, se tiendra à l’Hôtel Littéraire Arthur Rimbaud (Paris, 10e) une exposition consacrée au roi du Choa Ménélik que Rimbaud a rencontré lors de ses aventures africaines.

Organisée par le photographe Hugues Fontaine, en partenariat avec la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet et l’Hôtel Littéraire Arthur Rimbaud, elle traite des relations du poète avec celui qui deviendra ensuite roi des rois d’Éthiopie. Seront exposées des photographies du souverain, des documents et des lettres (fac-similés du fonds Rimbaud de la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet) qui documentent cet épisode de la vie africaine du poète devenu négociant-explorateur.

 

Auteur d’Un Train en Afrique (CFEE/Shama Books, 2012), d’Arthur Rimbaud photographe (Textuel, 2019), Hugues Fontaine mène depuis des années des recherches sur les explorateurs de l’Éthiopie du XIXe siècle qui ont utilisé la photographie.

Il signera son livre, paru en trois éditions (française, anglaise, amharique), aux éditions Amarna : Ménélik. Une Abyssinie des photographes (1868-1916)

 

 

HL – Pourriez-vous présenter votre parcours et vos différentes activités, du réalisateur au photographe, en passant par l’écrivain et le commissaire d’exposition ?

HF – C’est un peu une seule et même chose. L’exploration de l’image, fixe et animée, dans ses rapports avec les questions du temps, de la forme, du récit, du contexte, des sons, de la musique… J’ai travaillé un peu de manière pendulaire entre l’Europe, l’Afrique de l’Est et du Sud, le Moyen-Orient et la péninsule arabique. Je filme et je photographie, et je travaille aussi sur l’histoire de la pratique photographique notamment et depuis une quinzaine d’années dans la corne de l’Afrique.

 

 

HL – Comment en êtes-vous arrivé à cette passion toute spéciale pour l’Afrique et pour Rimbaud en particulier ?

HF – J’ai vécu en Afrique de l’Est (Kenya, Tanzanie, Zanzibar) dans les années 1980 puis j’ai voyagé au Yémen, en Érythrée… J’ai ensuite, et depuis une quinzaine d’années, beaucoup fréquenté l’Éthiopie dont l’histoire, la géographie, le contemporain me passionnent.

Une période m’intéresse particulièrement, celle où, sous la conduite d’un monarque singulier, Ménélik II, le pays se constitue à l’intérieur de ce qui deviendra ses frontières actuelles. C’est aussi la rencontre avec une certaine « modernité » dont rend compte mon livre « Un Train en Afrique » (paru en 2012 aux éditions du Centre Français des Études Éthiopiennes et Shama Books).

 

 

La locomotive à vapeur incarne cette introduction de la modernité. Nous sommes dans les dernières années du XIXe et les premières du XXe siècle. On connait la fameuse formule de Rimbaud « Il faut être absolument moderne », que l’on a commentée soit comme une sorte d’affirmation enthousiaste soit au contraire comme une forme d’acceptation qui ne serait pas une adhésion. Rimbaud, qui a quitté l’Europe et la littérature, est donc là dans cette Éthiopie qui se construit, à vivre son aventure singulière.

À vrai dire, c’est son expérience de photographe à Harar au printemps 1883, qui a été l’objet de mon précédent livre « Arthur Rimbaud photographe » (Textuel, 2019), qui a déclenché mon envie d’explorer cet épisode assez mal connu de sa vie africaine. Dans la lettre du 6 mai 1883, dans laquelle Rimbaud envoie à sa mère et à sa sœur trois autoportraits, mal lavés et donc trop blancs, il parle de son désir d’avoir un fils, de « l’élever, de l’orner, de l’armer d’une instruction la plus complète qu’on puisse atteindre à cette époque, et qu’il voit devenir un ingénieur renommé, un homme puissant et riche par la science ».

Jean Voellmy a publié en 1965 une correspondance passionnante entre Alfred Ilg, l’ingénieur suisse au service du roi Ménélik, et Arthur Rimbaud (« Arthur Rimbaud. Correspondance, 1888-1891 », Gallimard, 1965). Ces lettres éclairent celles que Rimbaud adresse à sa famille et qui ont souvent besoin d’être décodées. C’est d’ailleurs à Alfred Ilg que Rimbaud doit d’avoir pu vendre ses armes au souverain éthiopien, car l’affaire était très mal engagée, et leur relation naît à ce moment-là.

Rimbaud était aussi un fin observateur de la situation géopolitique, comme on dirait aujourd’hui. Avec la photographie, il a eu aussi un projet qu’on pourrait qualifier d’ethnographique sur la région du Harar et des Gallas. Je trouve tout cela très intéressant. J’étais étudiant en littérature avant de faire du film et de la photographie. J’ai aussi replongé dans les textes d’Arthur Rimbaud, dans la force inouïe de sa poésie, à partir de cette rétrospection dans la partie arabo-africaine de sa vie.

 

HL –  Quel est l’objet de cette nouvelle exposition que vous proposez à l’Hôtel Littéraire Arthur Rimbaud du 25 novembre 2021 au 25 janvier 2022 ?

 

HF – Je viens d’achever un gros livre consacré à l’Éthiopie sous le règne de Ménélik vu par les explorateurs photographes de la fin du XIXe siècle. Nous l’avons édité en trois langues : français, anglais, amharique, car il est destiné principalement à être diffusé en Éthiopie. J’ai souhaité éclairer à travers différents documents : photographies et publications de l’époque ainsi qu’un choix de lettres que conserve notamment la bibliothèque littéraire Jacques Doucet, la relation entre Arthur Rimbaud et le roi du Choa, Ménélik, qui deviendra en 1889, neguse negest, ንጉሠ ነገሥት, « roi des rois » d’Éthiopie.

 

 

Rimbaud le rencontre à Entotto, une des capitales du royaume du Choa, lorsqu’il vient livrer la caravane d’armes que Pierre Labatut avait entrepris de vendre à Ménélik. Rimbaud s’est associé à ce marchand à un moment où il en avait assez à Aden de sa situation d’employé de la maison de négoce Mazeran, Viannay, Bardey et Cie. Ce sera d’ailleurs sa seule entreprise de marchand d’armes.

Je présenterai encore d’autres documents lors d’une petite présentation illustrée.

 

HL – Avez-vous d’autres projets de voyages, de reportages et de livres ? 

 

HF – J’écris actuellement un récit librement inspiré du voyage de l’explorateur français, Jules Borelli, lequel accompagna pendant vingt jours en mai 1887 Arthur Rimbaud sur la route d’Entotto à Harar après que celui-ci eut livré au roi Ménélik sa caravane d’armes. Borelli a séjourné plus de trois ans en Éthiopie méridionale et a fait de remarquables photographies.

Je travaille aussi sur un extraordinaire ensemble de photographies stéréoscopiques prises par trois jeunes Français, les frères Léon et Jean Parmentier accompagnés de leur ami Hubert Latham, lors d’un voyage qu’ils firent de Khartoum à Addis Abeba en 1906-1907.

 

 

Un livre sur Rimbaud dans l’Éthiopie de Ménélik serait aussi un très beau projet, tant l’iconographie est riche et cette approche des hautes terres de l’Abyssinie moins étudiée que celle de sa vie à Harar tandis qu’il y est négociant.

 

Propos recueillis par Hélène Montjean

 

Rimbaud Ménélik

Exposition. Rencontre. Signature

Hotel Littéraire Arthur Rimbaud

6, rue Gustave Goublier, 75010 PARIS

25 novembre 2021 – 25 janvier 2022

 

Quelques liens :  

http://www.huguesfontaine.eu

http://www.menelik.eu/

http://rimbaudphotographe.eu

http://unesaisonenafrique.eu/