Nous publions un article scientifique de Carole Bisenius-Penin, Maître de Conférences en Littérature contemporaine à l’Université de Lorraine, qui réfléchit sur la valeur de la communication publicitaire et de la culture lettrée.

Avec l’aimable autorisation de l’auteur,

“Brand culture et immersion hôtelière”, in Pages de pub. Anthologie documentaire, Myriam Boucharenc et David Maertens (dir.),

Histoires littéraires, avril-mai-juin-vol.XXI, n°82, 2020, p.100-101.

Brand culture et immersion hôtelière

 

Sur le mode de l’emprunt littéraire et sous l’égide d’un bibliophile averti (Jacques Letertre), la Société des hôtels littéraires a développé depuis 2013 un concept marketing élaboré à partir de la circulation entre un écrivain et un lieu. La brochure publicitaire déclinée mobilise les codes rhétoriques (captatio benevolentiae, questions oratoires) et les figures de la littérature (Proust, Rimbaud, Aymé, Vialatte) par le biais d’une communication à visée immersive centrée ici sur Gustave Flaubert.

Tout en sollicitant ses œuvres d’un point de vue textuel et iconographique grâce au roman le plus célèbre de l’écrivain, convoqué et mis en scène (« la cage du perroquet Loulou », « le petit boudoir de Madame Bovary »), cette médiation marchande prend appui sur l’appropriation de l’univers romanesque de l’auteur et un subtil discours publicitaire entremêlant les diverses strates construit autour d’« objets insignes ». Exposée sous la forme d’une « invitation au voyage » baudelairienne, la narration relève d’une démarche de marketing expérientiel cherchant à engager l’imaginaire et à immerger le lecteur et futur client dans un environnement lettré, via une expérience culturelle sur mesure, soutenue par des stimulations sensorielles (décor, literie, atmosphère feutrée), intellectuelles (« la bibliothèque de livres rares », « le plan historique de Rouen »), émotionnelles (« le calme », les œuvres d’art du lieu) et mémorielles.

Cette stratégie émane de la brand culture qui positionne la notion de marque comme un agent, un émetteur culturel puisant en l’occurrence dans un environnement littéraire préexistant qu’il absorbe et publicise au sein de l’espace public. En jouant aussi bien sur le statut matériel que symbolique d’un écrivain qui fait figure d’icône de la ville de Rouen, la marque exhibe son propre éthos discursif, une image hôtelière construite autour de l’objet livre (bibliothèques, correspondances, éditions rares, reliures originales), capable de de se démarquer de la concurrence par l’originalité de son offre sur le marché. Un art délicat du storytelling appliqué à la littérature.

 

  1. Brochure publicitaire de la Société des Hôtels littéraires. Hôtel Gustave Flaubert, Rouen, 2015, P.10-11.

 

Carole Bisenius-Penin,

“Brand culture et immersion hôtelière”, in Pages de pub. Anthologie documentaire, Myriam Boucharenc et David Maertens (dir.),

Histoires littéraires, avril-mai-juin-vol.XXI, n°82, 2020, p.100-101.