Les Hôtels Littéraires s’exposent en manuscrits : « Proust en correspondance » et « Vialatte, découvreur de Kafka »
Deux expositions de livres rares et de manuscrits, dont certains inédits, sont organisées en cet automne 2025 au sein des Hôtels Littéraires. La première est consacrée à certains aspects de la correspondance de Marcel Proust et à ses premiers écrits de lycéens ; elle commencera le jeudi 9 octobre à l’Hôtel Littéraire Le Swann (Paris, VIIIe). La seconde a été inaugurée le jeudi 2 octobre à l’Hôtel Littéraire Alexandre Vialatte, à Clermont-Ferrand, lors de la remise du prix Alexandre Vialatte 2025.
C’est la première fois que les Hôtels Littéraires dévoilent ainsi leurs collections pour de longs mois, à travers une série de vitrines thématiques. Dessins, lettres autographes, croquis, revues, éditions originales, tapuscrits et reliures d’art s’entremêlent pour dévoiler les faces méconnues de ces écrivains, en toute intimité. L’occasion pour chacun d’admirer différentes facettes de leur écriture et de voir leur méthode de travail, tout en redécouvrant leurs correspondants et leur époque, grâce aux cartels explicatifs.
« Proust en sa correspondance » – Exposition du 9 octobre au 21 novembre 2025. Collection des Hôtels Littéraires
Les vitrines de l’Hôtel Littéraire Le Swann dévoilent une sélection précieuse des manuscrits autographes de lettres inédites de Marcel Proust, écrites entre 1886 (à quatorze ans) et 1921, réunies par le collectionneur Jacques Letertre, président de la Société des Hôtels Littéraires.
Les destinataires sont divers : son grand-père maternel Nathé Weil, la comtesse de Chevigné, le cinéaste Jean Epstein, le duc d’Albufera, le critique Jean-Louis Vaudoyer, l’écrivain Léon-Paul Fargue, son amie Marie Scheikévitch, le sulfureux Albert Le Cuziat ou le dramaturge Henry Bernstein.
Ces lettres abordent des récits aussi variés que ses déboires lors d’achats de titres boursiers, ses réflexions littéraires sur Paul Valéry, la genèse du manuscrit de Du côté de chez Swann, sa demande officielle de recevoir la légion d’honneur, ou son désir de revoir un jeune télégraphiste…
Une vitrine exceptionnelle est consacrée à l’exposition du seul exemplaire complet des cinq fascicules du Lundi, la toute première revue de lycéens à laquelle participa Marcel Proust au lycée Condorcet, entre 1887 et 1888 : y sont exposées ses premières publications.
Exposition :
« Vialatte découvreur de Kafka » du 2 octobre 2025 au 2 décembre 2025,
à l’Hôtel Littéraire Alexandre Vialatte à Clermont-Ferrand
À l’occasion de la remise du prix Alexandre Vialatte 2025, le jeudi 2 octobre à 18h30 à Clermont-Ferrand, dans les salons de l’Hôtel Littéraire Alexandre Vialatte (place Delille), a eu lieu le vernissage d’une exposition d’éditions originales et de manuscrits appartenant à la collection des Hôtels Littéraires.
Conçue par le collectionneur et bibliophile Jacques Letertre, l’exposition regroupe une série de livres rares, de lettres autographes et de manuscrits de travail, dédiés aux traductions et aux critiques littéraires sur l’œuvre de Franz Kafka (1883-1924) par Alexandre Vialatte (1901-1971).
Vialatte fut l’un des premiers lecteurs français de Kafka pendant son séjour en Allemagne dans les années 1926-27, alors qu’il travaillait comme journaliste à la Revue Rhénane. Convaincu du génie littéraire de l’écrivain pragois, il s’occupa de traduire l’essentiel de son œuvre pendant une trentaine d’années, le faisant connaître en France :
Kafka était un dieu, mais un dieu inconnu, je me fis son prophète étonné.
Alexandre Vialatte, Mon Kafka, Les Belles Lettres
L’exposition présente un intéressant autoportrait de Vialatte à l’encre de Chine, daté de 1923 lors de son séjour à Mayence, le représentant à son bureau, la cigarette à la main.
Autre pièce rare : l’édition originale de La Muraille de Chine de Kafka : Beim Bau der Chinesischen Mauer (Berlin, 1931), exemplaire ayant appartenu à Vialatte, avec de nombreuses annotations de sa main.
Un vitrine toute entière rend hommage à la relation Kafka-Vialatte-Gide, avec le brouillon d’une importante lettre autographe de Vialatte (1931) remerciant André Gide de co signer le texte figurant sur la jaquette conçue par Georg Salter pour l’édition originale de La Muraille de Chine.
L’ensemble côtoie l’édition originale du Procès de Kafka traduit par Vialatte (Gallimard, 1946) avec un envoi de Vialatte à André Gide, et l’édition originale de la pièce de Gide, co-écrite avec Jean-Louis Barrault, Le Procès (Gallimard, 1947) basée sur la traduction de Vialatte.
Une autre vitrine révèle une série de manuscrits autographes de Vialatte, dédiée à ses traductions de Kafka et aux chroniques qu’il écrivit sur son œuvre, relevant de la critique littéraire : « Mon Kafka », manuscrit d’une chronique de Vialatte pour le journal Les Arts ; « À propos de traductions de récits de Kafka » (1936), brouillon d’une lettre autographe destinée au comité de lecture de Gallimard, au sujet des épreuves des Récits de Kafka ; « Prière d’insérer pour L’Amérique », tapuscrit d’un projet resté inédit, devant accompagner l’édition originale française de L’Amérique ; « Chapeau de La Petite femme », manuscrit autographe présentant un récit de Kafka :
« Cette nouvelle n’est pas à tous égards la plus typique de Kafka. Elle n’est pas non plus la plus belle. […] Si je la donne ici c’est qu’elle est inédite, qu’elle fournit un condensé de Kafka et qu’elle présente cette particularité de présenter du Kafka pour ainsi dire « gratuit », c’est à dire faisant fonctionner ses qualités particulières sur un sujet qui, par hasard, ne se trouve pas symbolique. »
On trouve encore les « Interprétations de Kafka », manuscrit autographe de notes relatives à divers récits de Kafka ou à des thèmes présents dans son œuvre. « La Morale du Procès », manuscrit préparatoire de ce texte important à propos du Procès de Kafka. « Les Croquemitaines de Kafka », manuscrit autographe de ce très beau texte relatif à Kafka et l’intrication entre sa vie et son œuvre :
« La réalité imite l’art. Tout se soumet à un tel despote. Autour de Kafka tout devient ténèbres, nœud gordien et plaisanterie métaphysique. Sa vie le copie, la vie aussi ; sa mort, la mort. Sa solitude, ses montres, ses complexes, vivent une osmose incessante avec la réalité qui l’entoure…»
Retrouvez la vidéo de Sang d’encres et Jacques Letertre : ici
Hélène Montjean